Torquato Tasso
de Johann Wolfgang von Goethe
Version française : Bruno Bayen
Avec
Maxime Dambrin
Ivan Hérisson
Régis Laroche
Océane Mozas
Violaine Schwartz
et
Vincent Rousselle
Assistanat à la mise en scène : Charlotte Bucharles
Costumes : Nathalie Prats
Régie générale : Yann Argenté
Régie plateau : Vincent Rousselle
Régie lumière : Didier Peucelle
Réalisation du décor : Ateliers du Grand T (Nantes)
Administration de production : Anne-Laurence Vesperini
Production : Compagnie X ici, Théâtre Nanterre-Amandiers, Comédie de l’Est – Centre dramatique régional d’Alsace avec le soutien du théâtre Garonne-Toulouse, l’aide de la Ville de Toulouse, du Conseil général de Haute-Garonne, du Conseil régional de Midi-Pyrénées et la participation artistique du Jeune théâtre national
Création à la Comédie de l’Est, Colmar, en janvier 2013.
Notes
A Strasbourg, Jakob Lenz, figure de proue du Sturm und Drang, réclamait pour sa génération un « espace pour agir », pour que le destin des jeunes poètes cesse d’être désolant et que leur art joue un rôle actif dans le monde.
Quand le prince de Weimar propose à Goethe de participer au développement culturel de la principauté, ce dernier fait immédiatement ses bagages, persuadé que cette invitation répond à son idéal de travail. Mais rapidement, il devient le « factotum » de la cour, il s’enlise dans les charges administratives et politiques, il ne peut plus achever un seul texte et stoppe toute publication. A sa stérilité littéraire, s’ajoute l’amour impossible avec Madame de Stein, femme mariée, d’une trop haute condition sociale. Tout à Weimar le précipite dans une crise profonde. Au bout de dix ans, son seul salut est la fuite. Alors sans prévenir, comme pour renouer avec le romanesque, il part pour l’Italie. Et entre Naples et Palerme, il entreprend la rédaction de Torquato Tasso.
Goethe a condensé la vie du Tasse dans une seule journée et un même lieu, s’en rien retirer de la folie. Il a fait se confondre sa vie et celle du poète italien. Il est vertigineux de voir à quel point elles s’imbriquent, à quel point elles dépendent l’une de l’autre, comment les enjeux intimes s’immiscent dans les plus politiques. Quel immense auteur. Il n’a pas sombré celui-là, il ne s’est pas brûlé la cervelle, il a réussi sa mue. Du génie exalté, il est devenu un maître de la perfection classique. L’exil italien l’a sauvé ; le Mont Palatin lui a été plus clément que les Vosges. A son retour de Rome, il abandonne ses excès, maîtrise ses passions. Dans ses bagages, il rapporte Iphigénie en Tauride et Torquato Tasso.
Ce nouveau visage, il le met en scène dans la figure d’Antonio Montecatino, secrétaire d’Etat au service du duc de Ferrare. Il revient de Rome, lui aussi, du Vatican plus exactement. Il se présence d’abord comme le rival de Tasso, mais il se révèle bienveillant mettant en garde le poète contre ses pulsions qui l’entraînent vers sa perte.
Avec les figures du Tasse et d’Antonio, Goethe exécute un double portrait de lui-même. D’un côté l’artiste génial, l’ingérable, le suicidé de la société, et de l’autre, le réaliste, le mesuré qui saura créer durablement, assimilant les codes et les règles. Goethe fait œuvre de cette troublante confession d’avoir abandonné, sinon sacrifié, sa passion et sa nature exaltée afin de durer et être lu.
Avril-mai 2012